Protection sociale des professionnels libéraux de santé : que retenir de la réforme ?
Depuis le 1er juillet 2021, une réforme a modifié les règles qui s’appliquaient aux professionnels libéraux en cas d’incapacité de travail inférieure à 90 jours. Retour sur ses impacts et perspectives avec Franck Gisclard, chargé de mission à la Direction du développement d’AG2R La Mondiale.
La réforme en bref
Avant la réforme, les professions libérales n’étaient pas indemnisées en cas d’arrêt de travail inférieur à 90 jours. Le décret du 12 juin 2021, entré en application le 1er juillet, et complété par la circulaire CNAM du 6 juillet 2021, est venu corriger ce manque et ouvre le droit aux indemnités journalières (IJ) à tous les professionnels libéraux affiliés à la Caisse Nationale d’Assurance Vieillesse des Professions Libérales (CNAVPL). Pour rappel, le taux de la cotisation est fixé à 0,30 % par an, et la durée maximale de la période pendant laquelle l'indemnité journalière peut être servie est fixée à 87 jours consécutifs pour une même incapacité de travail.
Le point de départ du versement de l’indemnité journalière est fixé au 4ème jour de l'incapacité de travail. Son montant ne peut être inférieur à 22,54/jour pour les professionnels libéraux ayant un revenu annuel équivalent à 0,40 % du PASS, et ne peut excéder 169,05 euros/jour pour ceux dont le revenu est supérieur à 3 PASS.
Rappel : le PASS désigne le plafond annuel de la sécurité sociale. En 2022, son montant est fixé de 41 136 euros.
Deux impacts majeurs
Le premier est économique. « Pour nombre de professionnels libéraux, cette réforme a permis de modifier leurs contrats de prévoyance, en supprimant ou modifiant les garanties d’indemnités journalières souscrites en cas d’arrêt de travail ne dépassant pas 90 jours », explique Franck Gisclard, expert d’AG2R La Mondiale. « De plus, souvent, cette réactualisation a permis un renforcement de leur protection sociale globale, ajoute l’expert. Un point positif pour les professionnels libéraux « qui en ont souvent profité pour arbitrer judicieusement leurs garanties sur des risques beaucoup plus lourds que l’arrêt de travail temporaire, tels que l’invalidité ou le décès. »
Des améliorations attendues ?
Cette grande avancée ne doit pourtant pas faire oublier qu’au-delà des 90 premiers jours d’incapacité de travail, tous les professionnels libéraux ne bénéficient pas de la même protection sociale... « Seules 4 sections professionnelles sur 10 proposent des indemnités journalières (IJ) passés les 90 premiers jours. Dans ces cas-là, les professionnels libéraux doivent donc organiser leur propre protection sociale, via leurs contrats complémentaires notamment, rappelle Franck Gisclard. Pour rappel parmi les 4 caisses prévoyant une indemnisation à partir du 91e jour, on compte les médecins et étudiants en médecine affiliés à la CARMF, les experts comptables affiliés à la CAVEC, les chirurgiens-dentistes et sage-femmes affiliés à la CARCDSF et les auxiliaires médicaux affiliés à la CARPIMKO. Les professionnels libéraux ont donc beaucoup de libertés et de latitude pour souscrire des IJ au-delà de 90 jours, sachant que les professions libérales de santé sont plutôt bien informées pour couvrir ce risque. »
Point de vigilance
Positive en tous points, la réforme de juillet 2021 doit néanmoins conduire les professionnels libéraux de santé à une vigilance sur la notion d’enrichissement sans cause, note l’expert d’AG2R La Mondiale : « Le contrat souscrit auprès de son intermédiaire assureur ou de sa mutuelle pour une incapacité de travail peut compléter le différentiel de perte journalier non couvert par le régime obligatoire, mais les sommes versées au total, selon la nature de leurs contrats, ne doivent pas dépasser les revenus quotidiens de la personne couverte. Il est donc important, si le professionnel libéral de santé ne l’a pas déjà fait, de vérifier notamment si son contrat le couvrant en IJ est un contrat forfaitaire ou un contrat indemnitaire ».